Bande annonce Ultramarathon festival Ayhenes 2017

C'était décidé de longue date : mettre à profit la période hivernale, non pas pour augmenter ma vitesse ou travailler ma VMA mais pour tenter un second 24 heures avant l'expiration du délai de rigueur pour la qualification au Spartathlon 2017 : le 20 février. Bingo, en cherchant bien, il n'existait qu'un seul 24 heures avant la date fatidique et précisément celui d'Athènes. Se qualifier pour le Spartathlon..en Grèce! Quel beau défit ce fut.

avant le départ

Après mon beau parcours à Amiens où bien que toujours au-delà des 10 heures requises, j'ai quand même réalisé une progression très significative avec semblait-il une certaine marge, j'étais relativement confiant quant à mes chances de parvenir au résultat espéré sur 24 heures : 180 km.

Celui d'Athènes présente des avantages non négligeables pour qui veut réaliser une performance :

-parcours très plat exceptée une imperceptible dénivellation en queue de circuit (j'ai mesuré 100m de D+ pour 14 heures avec mon GPS...)

-goudron de bonne qualité roulant

-un grand aller-retour donc deux virages seulement (assez serrés quand même) qu'il faut cependant négocier à l'économie pour limiter la casse.

 

le circuit 24 h Athenes 2017

le circuit 24h Athènes1

La météo en février en Grèce est propice à une performance car la nuit il fait environ 5°C minimum et le jour aux alentours de 16°C. Si on a de la chance, sans la pluie c'est impeccable. J’ai eu cette chance.

Nous avons reconnu le parcours dès notre arrivée en Grèce, 4 jours avant l'épreuve qui clôturait le festival d'ultra. Nous avons passé ensuite ces quelques jours à faire un tourisme reposant. Pour ma part, j'ai apprécié de pouvoir concilier culture, gastronomie grecque et LCHF, mode alimentaire que j'expérimente pour l'occasion depuis le mois d'octobre. Surtout, je n'avais plus à courir, tout juste à marcher et encore pas beaucoup.

La course débutant en fin d'après-midi (17 heures), nous sommes arrivés avec Marie, aux alentours de 13 heures, histoire de bien prendre nos marques. J'ai installé la table de ravito (on se sert soi-même dans le bâtiment des jeux paralympiques et on se débrouille pour l'organisation, on est en Grèce...pas à Brive la Gaillarde !) J'avais prévu un hamac décathlon, pour le repos de mon épouse, bien plus confortable que n'importe quelle chaise longue et facile à transporter (15 euros pour un poids de 400 grammes !).

J'ai prévu deux montres GPS car j'ai décidé de contrôler mon allure au GPS par habitude, ça me rassure de connaître mon allure par circuit...et je porterai un débardeur avec capteur de cardiofréquence-mètre sous mon maillot club. J'ai donc réglé mon écran avec allure par circuit/circuit/pourcentage de ma FCM et chrono.

L'idée est de rester le plus longtemps possible aux alentours de 62% de ma FCM.

Comme à Brive, j'ai décidé de tronçonner ma course en 6 périodes de 4 heures et j'ai choisi de suivre un plan de marche basé sur un départ très prudent et une dégressivité mesurée par pallier. Je trouve ce système motivant.

Première section : allure moyenne 7'/km

Deuxième section :  7'10/km

Troisième section : 7'23/km

Quatrième section : 7'30/km

Cinquième section : 7'45/km

Sixième section : 8'00/km

Cela donne si tout est OK une hypothèse haute de 193km (objectif de rêve) et une hypothèse basse de 189 km (objectif de qualification dépassé) et comme je sais que tout ne va pas se passer comme sur des roulettes, j'imagine au pire 18...et des brouettes.

Bref, pas question d’échouer !

Je repense à Brive où j'ai bien tenu ces allures jusqu'à environ 10 heures de course avant de sombrer dans une fatigue rédhibitoire pour espérer tenir les 7,5km/h. J'avais été obligé de dormir 15 minutes qui ont réduit à néant tous mes espoirs de qualification. J'en ai retenu quelques enseignements relatifs à l'anticipation de problèmes simples comme : manger, boire et surtout se couvrir AVANT d'avoir froid.Je compte sur mon entraînement méthodique à VS24 et aussi aux longues séances de seuil que je me suis infligées pendant l'automne mais également sur mon repos préalable et surtout sur le LCHF qui peut-être constitue un atout non négligeable. Cette course doit donc valider des progrès en relation avec ces paramètres.

J'ai dévoré mon petit déjeuner plutôt LCHF (omelette, légumes verts et un peu de pain, yaourt grec et jus de fruit) mais j'ai seulement pris une collation légère vers 12h30. Evidemment j'ai beaucoup bu les jours précédant la course.

Au ravito, je fonctionne avec des bidons que prépare Marie (Overstim "longue distance", 1 sachet seulement pour 600 mL + une pincée de sel). Les 10 premiers kilomètres à l'eau claire, histoire de clarifier mon système digestif.

Lorsqu'elle ira dormir, elle me laissera des bidons à la menthe et des bidons au citron, de quoi tenir 7 heures environ. Elle me prépare aussi des soupes (genre Knorr) et du thé au miel que j'affectionne particulièrement.

Enfin, j'ai des barres (Power bar à la cacahuète ou à la banane). Tous ces trucs ont été testés en course ou à l'entraînement.

J'ai pris des chaussure NOOSA TRI avec lesquelles j'ai tourné pendant plus de trois semaines, c'est ma première connerie : elles étaient encore trop neuves et cela va me coûter assez cher.

Je suis fin prêt, remonté comme une pendule et je me concentre bien après une sieste dans le hamac.

Je fais la connaissance de Mohamed Saoute, un marocain que JP connaît bien et qui a remporté l'édition 2016. Il reconnaît ma nationalité gauloise à mes drapeaux tricolores et me salue spontanément. Un garçon très sympathique qui va m'encourager sur le circuit à de nombreuses reprises.

Nous voilà donc sur la ligne de départ, on échange des accolades, compte à rebours et c'est parti pour un tour d'horloge.

départ1

La première section se passe très bien, je laisse partir des fusées qui vont au suicide. Un italien assez corpulent avec qui j'avais échangé quelques mots dans le vestiaire avant la course, et qui semblait plus loquace qu'efficace, me dépasse plusieurs fois dans cette période alors que je tourne gaillardement à.…8.7km/h. Je n'ai pas assisté à son implosion mais elle n'a pas tardé car je ne me souviens plus de l'avoir aperçu au-delà des 5 heures !

Mon Cyrano fonctionne bien (1,9km de course pour 100m de marche pour me ravitailler) jusqu'à ce que l'organisation décide d'inverser le sens de la course! Sur le coup, ça perturbe un peu mais je rentre de nouveau très vite dans ma bulle et j'enquille la deuxième section exactement à l'allure prévue : 68 km en 8 heures pile.

Il fait déjà nuit et je repense à Brive où j'ai commencé à coincer. Je fais le point sur les forces dont je dispose :

-pas de douleurs musculaires notables ;

-pas de problème de digestion (il faut dire que je ne mange pratiquement rien, juste un quart de power-bar tous les 10 km...)

-je n'ai pas froid alors que le thermomètre que j'ai apporté indique 6°C

-et surtout je n'ai absolument pas envie de dormir.

Déjà nous sommes moins nombreux en piste et je me dis qu'il me faut absolument parvenir à la mi-course avec la même énergie et que pour cela, il faut rester calme et concentré sur les allures.

Vers la 9 ième heure, Marie va aller dormir à l'hôtel et je me prépare à affronter la solitude sur ce circuit un peu triste, il va falloir gérer cet épisode sans me laisser gagner par la fatigue. Je pense aussi que mon GPS va sûrement s'éteindre dans cette période et qu'il va falloir rester lucide pour faire mon changement de montre avec efficacité et précision. Marie me prépare une dernière tasse de thé au miel et prépare des bidons de 600 mL pour tenir jusqu'à la 15ième heure.

Sur le circuit, Mohamed me dépasse environ tous les 5 tours, ce qui me sert de repère et me réconforte car nous échangeons de brefs et discrets encouragements lorsque nous nous croisons...Je commence à me sentir moins à l'aise mais je n'ai aucun problème pour tenir mon allure si ce n'est une légère douleur sur le dessus du pied gauche et une ampoule qui tarde à éclater à l'intérieur du talon du même pieds. J'ai mis le bonnet et les gants et je progresse avec un réel plaisir car je devine que je remonte au classement même si à vrai dire cela m'importe peu. J'attends surtout de faire le point à la douzième heure où je constate avec plaisir que j'ai fait plus de 99 kilomètres en 11h 55mn.  Plus vite qu'à Belvès, il y a un an et demi lorsque je me suis gratifié d'une tendinite carabinée au tendon d'Achille gauche. Toujours rien au niveau des cuisses et j'ai stabilisé mes pauses techniques. Je me focalise donc sur la seizième heure en me disant que Marie sera de retour et que si l'allure est toujours correcte, je pourrai commencer à espérer mon graal. Il me reste donc 81 bornes à faire en 12 heures et cette fois je pense à l'Ecotrail de Paris que j'ai fait en 10 heures et des poussières... Je me dis que c'est donc possible et qu'il faut continuer avec patience.

Mon GPS me lâche à 14 heures de courses et je change de montre en un éclair. Je réalise que ma lucidité est encore très bonne car je fais bien attention à enregistrer mes données sur le premier GPS et à déclencher le second de façon synchronisée, tout en calculant qu'il me reste exactement 66 tours à réaliser. Commence alors un compte à rebours qui va me sembler long mais qui va me réconforter de plus en plus. Il reste 10 heures de courses et finalement tout va bien.

Le jour va se lever et la douleur au pied gauche s'intensifie. Je réalise que mon pied a gonflé dans une chaussure trop neuve encore et que la languette a glissé, ce qui laisse le lacet me taillader la peau à travers la chaussette. Je me résigne à rectifier le laçage mais la douleur était là, bien installée et rien n'y fait, il va falloir continuer avec elle.

En fait, ma foulée s'est modifiée sans que je m'en rende compte et c'est le devant du pied gauche qui fait les frais de cette compensation gestuelle.

Chaque foulée devient traumatisante et je n'ai aucun confort pour me concentrer sur le moteur. Je n'ai pas assez bien préparé la "carrosserie". Je m'insulte d'avoir commis cette erreur et je me dis que si cela me fait échouer, je vais m'en vouloir beaucoup.

A 16 heures de courses je pointe à 130 km exactement comme prévu...ça fait mal physiquement, mais moralement, c'est de mieux en mieux. Mohamed m'indique qu'il abandonne à cause de crampe. Il était à la lutte pour la première place...

sur les 24h Athènes

Cela dit, alors que Marie est revenue, mon allure est restée conforme ou presque aux prévisions et à la vingtième heure, tandis que la douleur est devenue très importante, je sais que je vais parvenir à mon but car j'ai à peine fléchi et je franchis les 160km en 20h02.

Il me reste 4 heures de course et j'ai encore 20 kilomètres à faire.

Désormais, la douleur est vive et je lutte pour faire un geste qui ressemble à de la course à pieds car je ne veux pas marcher et m'effondrer. Depuis quelques heures, je ne sais pas exactement quand, je pisse exactement tout ce que je bois dans les secondes qui suivent... Les forces me quittent et je n'aime pas du tout ce que cela préfigure.

Je passe en mode Cyrano tous les kilomètres et me force à trotter sur les portions où ça fait le moins mal possible. Je me surprends à uriner sans prendre la peine de m'arrêter car je ne peux plus rien retenir. Encore trois bonnes heures à tenir même si je sais que j'atteindrai mon but avant le gong. J'en suis désormais assuré mais je veux courir pour valider une course si belle jusqu'à présent. Mes pieds et ma jambe gauche ne sont qu'une douleur. J'ai l’œil rivé sur ma montre et je recalcule mon avance qui fond à chaque tour.

dans le dur

J'ai la sensation de vaciller, je ne sais pas si je dois boire ou non, vu que je pisse tout au fur et à mesure que je l'ingurgite... Marie est inquiète mais elle a compris que c'est gagné. Tout en me surveillant, elle communique avec nos proches par sms. Ma maman me fait dire combien elle est heureuse de ma réussite. A 23 heures 05, j'ai parcouru le 17ième kilomètre en 10 minutes environ...du coup je réalise qu'il me reste une heure pour faire le dernier. Je me mets donc à courir, débranchant littéralement mon cerveau pour faire le 180ième en moins de 7 minutes. Sur la ligne, j'exulte et décide de faire la suite en marchant tellement la douleur me surprend. Je boucle un 181ième tour en 14 minutes, sans plaisir, pour ne pas remplir mon contrat "de justesse", pour faire mieux que ces foutus 180 bornes.

Je rends ma puce après 23h 26 mn car je ne veux pas hypothéquer les 6 mois à venir car peut-être que d'ici là, il faudra être prêt pour le Spartathlon, sans regrets et tellement heureux d'avoir fait ce que j'ai fait. Je suis 10ième de cette course (accessoirement 2ième des V2…)mais surtout...je suis qualifié pour le Spartathlon (même si pas encore sélectionné...)!

 

180 bornes  résultats 24h

 

diplôme 181 km

Epilogue

Sur le plan de ma préparation, je pense que l'augmentation du volume combinée à des séances de seuil auront été profitables. J'ai mis un point d'honneur à sortir par tous les temps et à toutes heures. Il m'a manqué sans doute du travail en côtes.

J'avais peur de faire du travail de VMA à cause de mes tendons d'Achille surtout le gauche. Il a bien tenu.

Sur le plan nutritionnel, je pense que manger moins de glucides permet probablement de mieux utiliser les lipides corporels et donc pour un « 24 heures », cela m'a permis comme à JP de ne pas beaucoup m'alimenter sans perdre d'énergie. J'attends d'autres confirmations à ce sujet, mais je rends hommage à JP... mon camarade du forum ADDM.

Sur le plan "mécanique", je suis persuadé d'avoir commis une grave erreur en utilisant des godasses trop peu usées. Le bilan ne semble pas trop grave car je me remets assez bien après trois jours. J'ai cependant une douleur qui s'estompe mais qui est bien présente au niveau du tibial droit, et cela aurait pu être bien pire.

Sur le plan "hydratation" j'ignore ce qui n'a pas fonctionné car ce qui m'est arrivé survient souvent en cas de forte chaleur. J'avais mis du sel en plus, comme d'habitude, mais mes reins ont dysfonctionné à partir de la vingtième heure environ. C'est un dossier à creuser. J'espère que certains auront des solutions à me proposer car en Grèce, ça va chauffer !

Sur le plan gestion de course, j'ai respecté à la lettre mon plan de course pratiquement à une borne près, jusqu’à la vingtième heure. C’est très satisfaisant d'avoir les jambes qu'on a prévu d’avoir ! Je crois que mon potentiel du moment se situait probablement aux alentours de 190 km.

J'ai bien conscience que pour devenir « Spartathlète », cela ne suffira pas, mais je vais m'atteler à renforcer mes points faibles et à bonifier mes points forts pour tenter de faire en sorte que ça le fasse.

Encore merci et en route vers l'Acropole pour Septembre 2017/2018 ou 2019!

 

Partenariat Salomon Corbeil

Partenariat avec SALOMON Corbeil A6

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