Dimanche 25 octobre 2015, 6h.
Le réveil sonne pour la dernière fois cette année l'heure d'un Championnat de France. Ultime échéance dans quelques heures. Avant d'ouvrir les yeux, encore plongée dans un demi-sommeil, je me surprends à revivre tous ces instants...
Il y a tout juste 6 mois, je découvrais à Aix-les-Bains les "France" pour la première fois, en compagnie d'Isa et Sébastien. Un 10 km stressant, ambiance frime et compétition.
Quelques jours plus tard, par un doux matin de mai, il y eut les 100 km courus avec Renaud. Voyage physique et spirituel, une journée qui transporte et qui marque, incontestablement, et dont on ressort différent... Enfin, il y a tout juste 3 semaines, nous étions à l'autre bout du monde, pour les France de semi en Martinique. Encore une aventure incroyable. J'en suis presqu'étourdie. Toutes ces routes, autant de distances tellement différentes, de lieux, d'ambiances, tout ça en si peu de temps. Ce matin j'ai un peu de mal à m'y replonger...
Bip bip bip. Aller Emmie, courage, debout. Aujourd'hui c'est le marathon. Ne penser à rien d'autre, dans quelques heures ce sera fini! Je sais que j'ai beaucoup de chance d'être là, de pouvoir m'aligner au départ.
Entre euphorie et appréhension, on se prépare avec Renaud, qui fera la course open. Gestes rituels d'avant marathon, le gâteau overstim qu'on mastique péniblement, un thé chaud, les pansements, "tartinage" des pieds, on vérifie le nombre de gels énergétiques... Il est déjà l'heure. Le calendrier nous a généreusement offert un peu de sommeil supplémentaire (qui compense le mal que j'ai eu à le trouver!), quelques degrés de plus, et en cadeau une magnifique lumière d'automne qui baigne la campagne Rennaise.
Le parcours nous emmènera sur 42,195 km de Cap Malo à Rennes, empruntant de jolies routes bordées de rouge, orange et jaune, les arbres en spectateurs colorés, et le public qui anime la course, musique, danse et applaudissements. Sinon, il paraît que ce marathon est roulant... on en reparlera!!!
Le départ est donné à 9h, très émouvant. La minute de silence proclamée en hommage aux victimes du dramatique accident de bus en Gironde plonge les coureurs dans un troublant mutisme, plus un bruit dans les sas, la tension est à son comble quand soudainement retentit le coup de pistolet.
Je suis dans le sas préférentiel, ça part vite, surtout chez les hommes. Je reste prudente, les mains en avant au cas où. Je me souviens trop bien de la grosse chute au départ du semi... En peloton dense, le cortège de marathoniens entame sa longue route.
Renaud a pris un départ plutôt rapide, avec une seule idée en tête, tenter la qualif en passant sous les 3h05. Ca semble bien parti. Je ne l'ai pas vu me doubler, il a pourtant filé devant. Il passe aux 10km en 41'22, sur un bon rythme. Mais la Bretagne est tout sauf un "plat pays"! Les montées et descentes s'enchainent insidieusement. Pas beaucoup de répit pour reprendre une foulée souple et fluide. Il faut pousser un peu en côte pour ne pas ralentir l'allure, puis relancer en descente en tentant de ménager les muscles. La fraîcheur nous manque à tous les deux, la fatigue se fait ressentir plus vite que prévu... Renaud passe au semi en 1h29'46, déjà un peu entamé, ce sera trop juste pour la qualif...
Quant à moi, j'essaye de rester concentrée sur mon rythme. Pas simple, je me fais doubler sans cesse! Mais je sais que la course ne commence qu'au trentième kilo... on se reverra les gars! Passage au 10ème en 43'02, et au semi en 1h32'28. Malgré mon départ prudent, les jambes font mal trop vite...
On paye certainement sur ce marathon le prix de la fatigue accumulée lors des championnats de France de semi, courus dans des conditions difficiles, il y a peu de temps, avec un manque de récupération lié au voyage et au décalage horaire.
On se retrouve l'un comme l'autre "dans le dur" un peu trop tôt... Je m'accroche quand même, j'essaye de rester régulière, mais le mental est éprouvé aussi et je laisse parfois filer les secondes en m'accordant quelques pas... Bon-an mal-an, je rejoins Renaud vers le 32ème kilo. Il est super heureux de voir que je suis encore sur de bonnes bases et que j'ai l'air de tenir le coup! Il pense à moi et ça me porte.
La fin de course est laborieuse, je suis moins à l'aise que dans mes souvenirs à La Rochelle. Peu importe, le chrono est là, je commence même à revenir sur ceux qui m'ont doublée au début. Je rattrape (pas sans mal) près de 200 personnes entre le semi et l'arrivée.
Ultime côte très douloureuse entre le 40ème et le 41ème, une horreur! Puis on bifurque sur un secteur pavé qui redescend vers l'esplanade Charles de Gaulle. Je me laisse griser par la foule et par la Marseillaise qui retentit au loin, célébrant déjà les nouveaux champions de France. Je me dis que c'est magique de terminer ce championnat avec l'hymne national en musique de fond. Je déroule un peu plus, j'accélère... grosse erreur. Pas de magie sur un marathon!!! A 500 m de l'arrivée, mon pire démon s'invite, je suis stoppée net dans mon élan, secouée par de violentes nausées qui me clouent sur place. Deux officiels se précipitent même vers moi prêts à demander de l'aide. 30 à 40 secondes passent, pas grand chose en soit, le temps de retrouver mon souffle et de repartir, portée par les encouragements du public. Je réaliserai juste après que j'ai laissé filer un chrono sous les 3h10, à quelques encablures seulement de l'arrivée... Petite déception vite oubliée. Je franchis la ligne en 3h10'10" temps réel, et 3h10'16" temps officiel. Battre son record de plus de 6 minutes, qui plus est sur un championnat de France, c'est quand même pas tous les jours! Renaud termine quelques minutes après moi, en 3h14'51 (temps réel).
Les enfants sont venus nous rejoindre à l'arrivée, c'est une grande joie d'être serrés dans leurs bras, ils sont fiers et ça me met les larmes aux yeux...!
Quelques photos souvenir médaille autour du cou, puis on file voir les résultats. Comme une impression de déjà vu... Top 10, génial!!! Une nouvelle fois 8ème des championnats de France, 1ère Seine et Marnaise, et 25ème féminine TC.
Quelques jours après, les jambes vont mieux, le ventre aussi, mais la tête n'est pas tout à fait redescendue. Elle plane encore quelque part, sur un joli nuage, un nuage aux couleurs bleu blanc rouge...
2015 restera pour moi l'année des France. Quatre championnats en 6 mois, du 10 au 100km, 3 fois une place dans les 10 premières V1F, je ne réalise pas vraiment. Et heureusement. Je veux savourer ce moment encore un peu...