1er octobre, Orly. Nous y voici. Ça fait si longtemps qu'on en parle! Tout commence vraiment devant le stand Corsair, où la présence de près de 600 personnes au dress code évocateur nous confirme que le moment est venu, et nous plonge directement dans l'ambiance. Insolite et surprenant défilé de coureurs, véritable pub géante pour les marques sportives les plus connues!
Le 747 spécialement affrété qui nous conduit en Martinique est rempli d'athlètes, d'officiels de la Fédération Française d'Athlétisme et de journalistes. Record de participation enregistré pour ce Championnat de France de semi-marathon qui se déroule pour la première fois hors métropole. Quelques champions connus font partie du voyage, interviewés en live dans l'avion. Le commandant de bord, amusé par sa cargaison, se prend au jeu, parle "sport" et nous commente au micro entre 2 trous d'air le match de rugby France-Canada!
Arrivés à Fort de France, après un transfert en bus, on prend possession de nos jolis bungalows colorés nichés au milieu d'une végétation luxuriante, à 2 pas d'une plage de sable fin aux eaux turquoises. Le paradis! Mais on découvre également qu'au paradis, il fait chaud, et même très chaud et humide... Pas moins de 35 degrés, une atmosphère de hammam géant. Juste à récupérer nos bagages on perd 1 bon litre de sueur et on finit plus fatigués qu'après une séance sur piste. On ne peut s'empêcher d'angoisser en imaginant les 21,100 km qui nous attendent dans 2 jours...
L'hôtel est entièrement occupé par les athlètes des "France". Il y règne une petite ambiance de village olympique! Dès 5h du mat', des pelotons entiers partent s'entraîner à la "fraîche" (c'est à dire par 32 degrés...).
Sur les balcons sèchent des paires de Nike, Adidas ou Asics modèle compet´ de 150g et des maillots taille XS. La fédé aurait-elle rassemblé en Martinique les plus "fort de France"? Joke, ça ressemble plutôt à un séminaire d'anorexiques en cure, toutes et tous plus "secs" et affutés les uns que les autres. Les croissants et viennoiseries ne trouvent guère preneur le matin!
Quant à nous, dans l'attente de la course, on se met en mode ralenti en profitant de la clim et des transats pour emmagasiner un peu d'énergie et récupérer du décalage horaire. Juste un petit footing samedi matin sur la plage et les environs en tenue VLPA (la classe!), pendant lequel Renaud trouve le moyen de se prendre un gadin, coude écorché et hématome sur la hanche! Si si, il est capable...
Une fois soigné, nous sommes allés retirer nos dossards. Le plus facile pour rejoindre le village du Semi est de traverser la baie en bateau. Trajet d'1/2 heure, bien agréable, façon plutôt originale de se déplacer! Deux jolies surprises ce matin là: un dossard préférentiel, qui me permettra de prendre le départ en première ligne devant le sas des France, et sur le trajet retour, la rédactrice en chef de Jogging International "herself" qui vient papoter avec moi. On sympathise, une photo vite fait, et peut-être un bout d'article en vue? À suivre...
Samedi soir, pâtes (les resto du coin font leur chiffre de l'année!), puis on tente de dormir... pas simple car en plus de la clim qui ronronne fort, on découvre aussi les "grillons" martiniquais, sympathiques bestioles qui crient (hurlent!) sitôt la noirceur tombée, et ce jusqu'à l'aube... Envies de meurtre!
Et voilà déjà le grand jour. Réveil à 3h. Petit déjeuner pris en silence et en tenue de course. Concentration et stress à son maximum car le mercure est déjà bien monté. On se rend en groupe en bus au départ de la course, sur le front de mer de Fort de France.*
5h30, échauffement au soleil levant face à une mer d'huile. Il fait une chaleur lourde et étouffante. La sueur nous dégouline de partout, on respire mal. Ça promet... On s'était préparé mentalement à affronter un parcours peu roulant, mais nullement une telle chaleur, totalement inédite pour nous les métropolitains, bien pire que nos compet´ d'été les plus ensoleillées.
Départ à 6h. Bousculade dans le sas, chute à l'avant, cris, je me récupère miraculeusement. La future championne de France, Aline Camboulives, se retrouve à terre avec d'autres élites, le bras en sang avant même d'avoir commencé à courir. Elle repartira aussitôt, bonne décharge d'adrénaline... Premiers km, et déjà l'impression d'étouffer, le cœur qui s'accélère, difficile de respirer, la chaleur est terrassante. Je tiens mon rythme tant bien que mal jusqu'au 7eme kilo environ. Puis la sensation que les jambes lâchent, le corps dit stop... J'abandonne tout espoir de chrono. Jamais je n'ai été aussi mal sur une compétition. Je n'arrive plus à courir, asphyxiée, zéro force. Obligée de marcher un peu. Pensées absurdes par rafales, j'arrête la course à pied, je n'y arrive pas, forfait certain pour le France de marathon à Rennes dans 3 semaines, forfait pour toute séance d'entraînement à venir, au secours, je vais mal, venez me chercher!
Les brumisateurs disposés sur le parcours ne refroidissent rien, ils n'ont pas supporté la météo non plus, ils pleuvent de l'eau chaude. Les bouteilles que je me vide les unes après les autres sur la tête n'apportent qu'un soulagement de quelques secondes. Je marche, souvent, trop souvent, coupable assurément car on ne marche pas sur un France. Je sais que j'ai de la chance d'être là, que je me suis entraînée dur pour cette échéance, qu'on pense à moi. Mais rien n'y fait. Impression d'avoir 40 de fièvre, le corps en feu. Je fais les 3/4 de la course dans la douleur, "au mental". Heureusement que le public martiniquais redouble d'encouragements, comprenant la détresse des coureurs. Grande ferveur populaire, Fort de France est en fête, merci à eux!
Je passe enfin la ligne d'arrivée en 1h35'44", à bout de force, exténuée. D'autres, en plus mauvais état, sont pris en charge par les pompiers qui verront plus de 200 coureurs défiler dans la tente des secours. C'est l'hécatombe. Il y aura environ 350 abandons sur ce Semi, des litres de perfusions passés, un balai impressionnant de brancards, et des coureurs blêmes, hébétés, assis sur le bas côté.
Renaud, accablé, liquéfié, termine 10 minutes derrière moi. Je l'attends, d'abord inquiète, avant d'aller l'un et l'autre se jeter dans l'océan. La plage est à quelques mètres de l'arrivée, on fait redescendre la température. Que c'est bon!
Nos esprits un peu retrouvés, on prend connaissance des résultats. Je me rends compte que les chronos sont très au-delà des références habituelles, même pour les vainqueurs. D'abord déçue de ma course, je réalise maintenant seulement que je viens de faire une perf, une place "de finaliste" aux Championnats de France, qui me comble et dont je n'osais rêver: je suis 8ème V1F sur 92 !!! Figurer dans le Top 10 me procure une joie qui apaise bien vite mes souffrances et désillusions. 28ème féminine, et 206ème au scratch sur 612 engagés. Même les officiels de la fédé reconnaîtront dans leur article la difficulté de ce semi:
" le premier championnat de France délocalisé aux Antilles depuis 1997 a, en effet, réservé aux 2500 coureurs de ce 31è semi-marathon, des conditions climatiques quasi-infernales. Sous un soleil de plomb, et dans une humidité redoutable, malgré un départ donné à 6h du matin, le bitume foyalais a arraché à tous les participants, sans exception, de la sueur et des larmes en quantité astronomique."
Voici les résultats complets :
Classement général | Nom | Prénom | Temps | Classement catégorie | Classement féminines |
Championnat de France | |||||
206/555 | GELLE | Emmie | 1h35'44" | 8/92 V1F | 28/274 femmes |
Course open | |||||
181/1230 | GELLE | Renaud | 1h45'32" | 73/356 V1H |
Le dimanche après midi fut comateux pour tous. Notre joli village olympique, d'habitude animé, est devenu un temps village fantôme, silence absolu et allées désertes, avant de se transformer petit à petit en village vacances! L'esprit libéré, la soirée fut sans concession festive et joyeuse, aux saveurs de rhum et de planteur, t-shirt de la course, médaille et chapeau de paille arborés par tous, comme pour dire "je l'ai fait", fiers d'être allés au bout à défaut d'avoir fait un chrono. Autorisation d'enfin se lâcher vraiment, photos souvenir sur la plage, et baignade sous les étoiles! Il est chaud, mais qu'il est beau quand même ce coin de paradis !!!
Il nous faut maintenant refermer la parenthèse. Retour vers la métropole lundi soir, les valises pleines de rhum et de beaux souvenirs. Je ne peux terminer sans saluer l'organisation au top de cette édition outre mer. Tout, du billet d'avion aux trajets sur place en navettes, au logement, à la course, a été organisé et pensé au mieux pour les coureurs. Ce fut une superbe réussite!
Prochaine étape: on double la distance pour le Championnat de France de Marathon, qui se déroulera le 25 octobre prochain à Rennes. Une seule certitude pour l'instant: il fera moins chaud...