Marathon de Rotterdam, Dimanche 7 avril 2019.
Chaud devant...
Le marathon fait partie de ces courses exigeantes et rudes, un "One shot" sans seconde chance (en tous cas pas tout de suite), un RDV souvent choisi de longue date. La performance n'est là que quand toutes les planètes sont alignées: entraînement bien conduit, forme optimale, absence de blessure, parcours roulant, conditions météo... Certains courent toute une vie sans jamais connaître ce moment de grâce!
Voilà donc comment nous avons coché début janvier la date du 7 avril dans le calendrier. Ce sera Rotterdam pour son parcours roulant, son public enthousiaste, son climat océanique et doux. Avec Renaud, l'aide de notre ami Patrick et le regard expert de Lahcène, nous avons élaboré un joli plan d'entrainement: 3 blocs de 3 semaines de travail, entrecoupés d'une semaine "light" d'assimilation. Plus de 1100km au total, 110 heures d'entrainement par tous temps, toutes températures, de jour ou de nuit, parfois matin et soir, des compétitions, une motivation et une implication de chaque instant! Cette période intense s'est déroulée sans anicroche cette année. Pas de grippe sournoise, pas de blessure, le corps a tenu la charge.
Je suis donc arrivée à Rotterdam samedi après-midi, en confiance, avec l’ambition de passer sous les 3 heures. Pas de miracle sur marathon, il n’y a que le travail qui vaille, je suis prête! Sur place, je me suis occupée de l'hôtel, du retrait des dossards, avant que Renaud ne me rejoigne quelques heures plus tard à la pasta-party (ayant dû assurer un trajet à Compiègne le samedi après-midi pour notre grande qui passe des entretiens... pourquoi faire simple ?!?).
Rotterdam est une ville surprenante et agréable, moderne, propre, vivante et animée! Elle me fait penser à un petit New-York pour son architecture verticale, sa proximité avec l'océan, et la présence du pont Erasme au pied duquel partira le marathon.
J’ai la chance de retrouver là-bas Guillaume, un voisin, de surcroît excellent coureur (2h36 au marathon). Guillaume me propose spontanément de rester à mes côtés sur le marathon. Ayant connu une saison hivernale perturbée, il fera Rotterdam en sortie longue. C'est un véritable cadeau pour moi!
Comme toujours avant une course, ma nuit est blanche, 3 millions de moutons sont passés, Renaud a ronflé, et le réveil a sonné... Petit déj gâteau-sport pris au radar, un thé, puis quelques pas devant l'hôtel pour sentir l'air... étrangement chaud voire lourd. Zut alors, on s'attendait à tout sauf à ça.
Départ du marathon à 10h, 20 000 coureurs sont rassemblés en bon ordre au pied du pont Erasme. Ici pas de bousculade, on rentre sagement dans son sas selon son temps, l'organisation est parfaite et les mouvements fluides. Il fait chaud, un bon 18° déjà. Trop chaud, et les premières chaleurs sont si difficiles à gérer... Renaud affiche un regard inquiet. Tant de travail pour cette course, on se sent prêts, les 2h58 espérés dans les jambes. Mais la météo reste le seul impondérable... pas de chance aujourd'hui, nos fameuses planètes n'ont pas l'air de vouloir s'aligner. Bon, de toute façon il est trop tard pour cogiter. L'ambiance monte autant que la température, on va tâcher de profiter et de tenter le tout pour le tout.
Le départ est donné par un traditionnel coup de canon. Un bateau sur la Meuse lance des gerbes d'eau géantes, l'hélico sur nos têtes filme la foule, la musique donne le rythme, c'est magique!
Guillaume est au taquet. On avance comme des métronomes à l'allure cible fixée: 4'10 à 4'12 au kilo. Passage au 5ème en 20'54, au 10ème en 41'31, tout va bien, sauf qu’on transpire déjà bien trop. On risque de payer cette dette hydrique plus tard... Le soleil cogne☀, pas un nuage sur Rotterdam. 1h02'26 au 15ème, pointage au semi en 1h28'13. Le tableau de marche est respecté à la lettre pour l'instant (à la minute plus exactement!). Sauf que je me sens déjà plus entamée que prévu, craignant fort pour la seconde moitié de course.
Le 30ème est franchi en 2h06'21. Je réussis à tenir l’allure jusqu'au 32ème mais je me sens à bout de forces, mes jambes sont dures et douloureuses. Je pense au fameux mur, NON, pas moi, pas lui, pas ici... Quelques pas et une courte pause me seront nécessaires. Je me fais violence, je me recentre, je dois repartir. Au moins pour faire honneur à toutes ces heures d’entraînement! Autour de moi, les défaillances sont impressionnantes, Guillaume a dû soutenir un coureur qui s’effondrait, un autre zigzague et balaie toute la route, il y a des abandons parmi les élites, comme ce dossard 6 marchant sur le côté...
Il est maintenant plus de midi, il fait bien 25 degrés. Les 10 derniers km (parcourus en 44'30 tout de même) ne sont que souffrance. Je sais que les secondes s’envolent et que les moins de 3 heures s’éloignent, mais impossible de faire mieux. Je tiens uniquement au mental, le regard verrouillé sur la silhouette de Guillaume devant moi (en mode torpille armée). Merci encore à toi Guillaume!
De son côté, après un bon départ, Renaud s'est retrouvé vite à la peine (dès le 7ème km). Souffrant de la chaleur, il a réduit l'allure, mais ses espoirs de chrono honorable se sont envolés avec les degrés. Il a préféré abandonner sur un point stratégique du parcours, là où les coureurs se croisent entre le 32 et le 39ème, pour m’accompagner et vivre l’arrivée ensemble. Riche idée et belle surprise de le retrouver quand j’étais au plus mal!
Dernière ligne droite, enfin! Les yeux presque fermés, épuisée, je cours vers l’arrivée. 3h00´37.
37 secondes de trop, soit 140m. C’est rien du tout, mais c'est un petit rien qui vaut beaucoup! Pas grave. J'ai fait de mon mieux, avec des conditions de chaleur difficiles. Sur le coup forcément je suis déçue. Mais j'entends autour de moi tellement de gens qui sont passés à travers... Renseignements pris, je suis plutôt fière de mon résultat! Derrière moi dans le classement, Marie B, 2h55 au marathon de Francfort, Christelle L, vainqueur du marathon de Bruxelles, ou encore Joël B, avec son RP en 2h41, valant 1h14 sur semi et 34' sur 10km. Pensées particulières pour tous les coureurs en détresse que j'ai croisés, et pour celui qui est malheureusement décédé.
Nous terminerons cette chaude journée ensemble, Guillaume, Renaud et moi, en terrasse autour de burgers et d'une bonne bière, comme un dimanche d'été en avril, dans Rotterdam en fête.
Dans quelques jours, quand j'aurai récupéré, que je serai bien installée dans mon canapé, j'aurai une grosse pensée pour tous ceux qui seront sur marathon, à Paris, à Nantes ou ailleurs. N'oubliez pas, comme dirait Woody Allen, l'éternité c'est long, surtout à la fin... Vous savez quoi? Le marathon aussi !