DEPART DE L'Ultrathletic'Ardeche 2018 (vendredi 11 mai 6h00)
De retour de Privas, je livre des impressions plus qu'un long compte rendu d'une course à la fois dure (c'est rien de le dire) et magnifique autant par son parcours qui vous emmène dans des endroits plus jolis les uns que les autres, que par les bénévoles qui ont assuré des ravitos très sympas.
J'étais venu pour me rassurer je l'avoue, après une course difficile à Espoo où j'ai bâché épuisé et blessé, et pour tenter de confirmer ma capacité à faire une course de plus de 200 bornes et me dire que je n'avais pas rallié Sparte uniquement par chance... C'est chose faite dans la difficulté et le plaisir, mais dans la difficulté quand même!
Avant de raconter ma course, je tiens à dire combien j'ai été content de retrouver quelques têtes connues et aussi de découvrir certains visages d'ADDM notoires (forum d'ultramarathoniens) et pas des moindres. Satisfait également de rencontrer des champions d’exception en la personne de Julia et Christian Fatton.
AU KM10 J'ETAIS ENCORE SOURIANT
Partis en musique dans le petit matin de Privas, nous sommes une petite trentaine de coureurs à nous lancer sur ce beau parcours. J'ai un plan...mollo, mollo car ça grimpe dur dès le départ. Rapidement dans le grupetto je gère tranquillement les côtes qui précèdent interminablement les descentes sans répit. J'avais décidé de ne pas arriver avant 7h45 de course au km60, j'y passe après juste 7h48 d'efforts.
AU KM 60 à PRIVAS, RESTE ENCORE...148 KM!
Mon talon gauche me fait mal jusqu'au 30ème environ puis se calme. Je sais que ça ne va pas forcément tenir et je prie pour me tromper sur mon sort. En revanche, musculairement tout va très bien et je finis par y croire de plus en plus.Ma routine de gestion des CP est bien rodée et je vide régulièrement un litre de flotte en 10 km, j'avale une friandise entre deux CP et me contente des trucs qui sont disponibles aux CP : bananes, fruits secs, fromage. Le 100 ème kilomètre est franchi après 14h et tout va bien. Nous allons entrer dans la nuit noire et j'aime ça. Je n'ai pas sommeil et je me concentre sur le prochain CP (144km) avec assistance où je vais retrouver Marie, laquelle s'est prise au jeu de ce drôle de rôle qui consiste à s'occuper d'un doux dingue qui court pendant plus de trente heures, alors qu'elle ne fait pas de sport elle-même...
SUR LES ROUTES ARDECHOISES
ARRIVEE AU KM100
La douleur est revenue, insidieusement et ma course n'est plus équilibrée. Je clopine forçant davantage sur mon pied gauche..C'est avec finalement assez peu d'avance que je parviens à gagner la salle polyvalente de St-Maurice d'Ibie où je compte m'accorder néanmoins une pause de...10 minutes allongé sur le dos, pas vraiment le temps de dormir. Après changement intégral des fringues, je repars bien couvert en clignotant de toutes parts avec mes éclairages et mes brassards fluo. Commence une chasse au chronomètre interminable. Le jour va se lever dans une heure trente et je fais des calculs tout en gérant ma douleur au talon. Au niveau de l'estomac, rien ne va plus car l'idée même de boire me donne la nausée. Je sais pourtant qu'il faut se forcer à avaler des liquides pour limiter la casse et je me contente de petites gorgées, plus fréquentes, d'eau gazeuse. Ça passe mieux que l'eau plate mais j'éructe bruyamment pendant des kilomètres.
Le petit matin me redonne un regain d'énergie et au sommet d'une côte interminable je rejoins un groupe de cinq ou six coureurs qui sont arrêtés au CP...Une idée me vient de ne point m'y arrêter, mes gourdes sont loin d'être vides et donc je dévale la pente sur cinq kilomètres à presque dix à l'heure. Je me retrouve à gamberger sur le reste du parcours : il reste un CP de 8 bornes avec une grosse côte puis deux CP de 10 bornes alternant côtes et descentes puis ce sera la descente vers Privas...J'ai une heure et trente minutes d'avance sur les barrières horaires donc si tout va bien, c'est plié, je le sais. Mes calculs à ce moment là me laisse espérer entre 32h30 et 33h30, mais tout ne va pas se passer comme je l'espère à ce moment. Dans Alba-La-Romaine, je cherche les fameuses flèches vertes et à un embranchement, je confonds le fléchage de la course avec celui d'une rando locale, fléchée en vert également. Me voilà dans les vignes, dans un chemin empierré et je grimpe sur plus d'une borne avant de me décider à téléphoner au PC course. Aurélie m'assure qu'il n'y a aucune portion de chemin et donc je reviens sur mes pas...Mon avance a maigri d'environ 30 précieuses minutes (2,5 bornes d'après mon GPS) durant lesquelles mon gruppetto est repassé devant moi. Épuisé mentalement et physiquement je m'accroche à cette côte où j'ai du mal à simplement marcher. Giancarla me dépasse en marchant et je n'arrive pas à prendre son train. Le moral est au plus bas, mais je décide de prévenir Marie par téléphone que j'ai du retard afin qu'elle ne s'inquiète pas trop au CP suivant. J'ai encore de la marge mais il faut rejoindre le CP 18 au plus vite, ensuite j'aurai deux heures pour "aviser" et parcourir les 10 kilomètres suivants qui me délivreront de mes doutes.
La suite est simple, une montée cuisante de 15 bornes environ suivie d'une descente interminable où j'ai remboursé au centuple ce que j'avais fait subir à mes quadriceps au petit matin, mais je savais que je parviendrai au but dès le CP19 atteint. Après coup, je ne regrette pas cette péripétie de course car elle démontre à quel point il faut rester lucide jusqu'au bout et d'autre part elle me rassure un peu sur ma capacité à réagir positivement à un événement de ce genre. Je termine heureux en 34 h, ce périple fantastique, dans les bras de Gérard, banderole personnalisée brandie au dessus de ma tête car c'est toujours une immense satisfaction de terminer une course.
Celle-ci a été très bien organisée (j'imagine que l'on apprend de l'expérience passée autant en organisateur qu'en coureur) et je suis très heureux de la décision que Gérard Ségui a prise de décaler l'édition 2019 en Septembre afin de permettre à deux courses magnifiques de formats similaires (même si leurs personnalités sont différentes) d'exister. C'est à mon sens un geste tout à fait sportif.
Il me reste à soigner mes bobos afin de revenir au mieux de ma forme.